Aujourd’hui retiré des terrains de sport – « je ne veux pas jouer les bouche-trous » –, Sauveur Lombardo distille son enseignement à La Ciotat, où il est professeur d’EPS au lycée des Lumières. Ancien préparateur mental de l’OM, des équipes de France de handball et de volley-ball, il intervient dans les universités d’Orléans et de Clermont. Hier, il a pris le temps de recevoir La Provence afin d’expliquer les grandes lignes de sa spécialité. Entretien.

« L’idée est de permettre à l’athlète de se servir de lui-même. Il faut rendre au joueur et au jeune sa véritable identité, sa vraie place et ses qualités. Le préparateur mental n’est pas un psy ! Moi, je n’en ai rien à faire d’enchaîner les entretiens.

Quand je parle, je suis en mouvement et l’autre également, on ne s’assoit pas. Il n’y a rien de plus compliqué que de voir des joueurs blessés tenus à l’écart du groupe pendant un ou deux mois. Ils doivent rester en contact pour éviter de se poser 50 000 questions, assis sur un banc après un match en se demandant : « Qu’est-ce que j’aurais fait dans cette situation ? À mon poste ? »

« À mon arrivée à Metz, puis en équipe de France féminine de handball, l’entraîneur Olivier Krumbholz (devenu sélectionneur) était perçu comme une terreur. Il n’allait pas changer car c’est sa force, sa personnalité qui font son excellence. Alors j’ai tout mis en œuvre pour que ça ne soit pas un handicap chez les joueuses. On ne demande pas à un athlète d’aller chercher des victoires au plus haut niveau, si on doit anticiper tous les scénarios : l’échec, l’arbitrage, l’injustice, le public… Il faut intégrer ces paramètres et ne pas les refuser. Le projet collectif initial doit être plus fort que le fait de jouer. C’est pour ça qu’il n’y a pas de rencontre facile… »

« Le vrai et le seul patron ! Il dégage un état d’esprit, une attitude et c’est le cocktail avec la compétence qui fait ou non un bon mariage. L’entraîneur ne doit jamais fuir ses responsabilités et s’entourer. Il est celui qui doit dire : « Le staff et moi sommes derrière toi. Le joueur, on lui donne une force qu’il sent en confiance, qu’il en soit convaincu. Soit je subis le score, soit je le prends en compte. C’est comme dans une série de tirs au but, comme ce penalty qui a dominé doit dépasser sa frustration pour aussitôt se concentrer… Les grands ont besoin de la psychomotricité et ils sont hypersensibles. Je les aide à décupler leurs capacités tactiques, techniques et physiques. C’est l’équilibre du triangle équatorial entre le savoir-faire, le confort et la gestion émotionnelle. »

« Un joueur a deux projets : l’un avec son club, l’autre avec sa sélection. Ce sont deux univers très distincts, un monde peut parfois en cacher un autre. Chaque contexte est différent. L’équipe de France ne doit pas être perçue comme une promotion, une chance. Ça, c’est de l’ego ! On ne parle pas de sélection, on parle de fusion et de complémentarité. Il faut éviter la dispersion. En quelques mots, le niveau n’a rien de stable, seulement la solidarité tire les uns vers les autres. »

« On n’oublie pas le passé, mais on peut ne pas le chercher ailleurs ; un autre regard. La même méthode serait de prévenir de l’aujourd’hui et de voir ce qu’il peut apporter au travers de la Coupe du monde.

Qu’est-ce que le grand frère amènerait au petit frère ? On doit le déculpabiliser et l’aider à changer son image. Car là, on a jugé des personnes et on a banalisé les faits. Il y a des limites à respecter ; mais certains ne peuvent en sortir. Et quand il va revenir sur le terrain, eh bien ce sera de l’animal : fervent avec son image, il a besoin de partir en confiance. »

« Mon rêve est qu’un préparateur mental soit intégré dans l’organigramme d’un club ou d’une équipe, pas de manière épisodique, mais pour relever les plus grands défis. La réalisation d’un projet, c’est le rôle du préparateur : pour trouver une solution et aider des gens sans avoir de distance.

Les entraîneurs comme Didier Deschamps, par exemple, n’ont pas besoin de moi, ni de mes conseils. Ils ont tout compris. Mais pour autant, un club de football ambitieux dans les divisions inférieures, ou un entraîneur dans un sport mineur, ne suffisent pas… »

Propos recueillis par R.L